* Voyage autour du Togo

Posted on mai 4th, 2009 by Pierre. Filed under Non classé.


À moins d’avoir eu l’occasion voyager dans toutes les régions du globe, on a plutôt tendance à ignorer les particularités locales de pays voisins et éloignés, et à tout fourrer dans le même sac. Et je trouve qu’un des multiples avantages que l’on peut retirer d’un voyage est cette connaissance plus précise des différences qu’il peut exister entre plusieurs Etats voisins.

Par exemple, moi qui vous parle, je ne suis jamais allé en Asie — et je n’ai pas une grande idée des différences qu’il peut y avoir entre le Cambodge, la Thaïlande, le Laos et le Vietnam. Et peut-être vous, qui me lisez, n’avez vous pas une idée très précise des spécificité du Togo, du Ghana, du Burkina Faso et du Mali. Vous savez, le Burkina Faso, ce pays dont on nous apprend surtout qu’il est petit, très pauvre, et qu’il a un nom rigolo ? Au mieux, on en connaît même la capitale — il faut dire que « Ouagadougou », ça ne s’oublie pas.

Bon, c’est vrai, nous n’avons passé que trois jours au Burkina ; et encore, principalement sur les routes. Mais nous avons tout de même eu le temps de nous rendre compte de certaines choses, et d’affiner notre image du pays. C’est cela que je voudrais transmettre aujourd’hui : une brève idée des pays dans lesquels nous sommes passés — afin, si besoin en était, qu’ils soient plus pour vous qu’un nom sur une carte.

Le Ghana

Le Ghana (ancienne Gold Coast) est voisin du Togo, et pas seulement géographiquement. La frontière a séparé certains peuples (comme les Éwés), que l’on retrouve donc au Ghana — pour le reste, c’est la seule colonie anglaise au milieu des Etats francophones d’Afrique de l’Ouest, d’où une place un peu particulière.

Là s’arrêtent les ressemblances. Pour le reste, le Ghana est une sorte de Togo avec plusieurs décennies d’avance, dans tous les domaines : économique, culturel, politique, éducatif, etc.

Economiquement, on sent bien que le pays tourne mieux. Les routes sont meilleures, les bâtiments aussi, les supermarchés fleurissent à Accra… et surtout, on sent un secteur privé très dynamique, avec des tas de petites entreprises qui s’alignent au bord des routes. Un peu moins de vendeurs de rues, un peu plus de gens qui montent leur entreprise.

Culturellement, nous avons vu des musées et des éléments de patrimoine très bien mis en valeur. L’entrée au Château de Cape Coast est chère, certes, mais en contrepartie le guide est compétent, possède des éléments de conscience historique, vous emmène dans des bâtiments bien restaurés et entretenus… Et la petite exposition sur l’histoire du Château et de la traite des esclaves est étonnamment bien fichue, avec de chouettes panneaux explicatifs, des objets intéressants, bref, une muséographie réfléchie et qui se tient. Nous avons demandé qui était à l’origine de tout cela : ce sont bien les ghanéens qui ont mis en place ce musée, même si une partie des financement est apportée par le Smithsonian Institute. A Kumasi, deuxième ville du pays, il y a également un grand centre culturel, avec un chouette musée ouvert le dimanche que nous avons pu visiter (eh oui, ici la décentralisation n’est pas qu’un mot qui fait bien dans les programmes politiques).

Politiquement, la situation est mille fois plus encourageante qu’au Togo. Les élections de décembre dernier se sont déroulées sans heurts et dans les règles de l’art — et, d’une courte marge, c’est le candidat de l’opposition qui l’a emporté. Wouhou, une alternance en Afrique de l’Ouest, et sans aucun débordement ! Les ghanéens en sont parait-il très fiers, et on les comprend.

Enfin, l’éducation ne déroge pas au reste. Déjà, nous avons trouvé que, dans l’ensemble, les ghanéens parlent mieux anglais que les togolais ne parlent français — et semblent plus compétents en général. Mais le choc, ç’a été notre passage à l’université d’East Legon, la plus grande université du pays (il y en a quatre en tout). Un espace immense, des bâtiments début 20ème superbes et très bien entretenus, des bibliothèques et des salles de travail par « maisons » comme dans les écoles britanniques, des résidences universitaires pour 10 000 personnes, d’autres en construction… Sur la colline qui domine le terrain, les somptueux bâtiments officiels, et les petites maisons des professeurs. Il y a 30 000 étudiants chaque année — et, au cas où vous vous demanderiez, les frais de scolarité sont accessibles : un peu chers, mais à la portée du niveau de vie du pays.

Bref, qu’avons nous retenu du Ghana ? Une étonnante situation économique, politique, culturelle et éducative ; le seul pays anglophone de la région ; les nombreux forts de la côte ; de superbes plages de carte postale ; la légendaire lenteur du service dans les restaurants :)

Le Burkina Faso

Comme je vous le disais, nous n’avons passé que peu de temps au « Pays des hommes intègres ». Mais nous avons tout de même eu le temps de nous faire une impression.

Notre premier contact avec les gens du pays, comme souvent, est passé par les douaniers — qui, fait rare en Afrique de l’Ouest, se sont montré patients et courtois. D’ailleurs, nous avons trouvé les burkinabés très gentils.

Au Burkina, les paysages sont assez désertiques. Beaucoup de tout petits villages au milieu d’une végétation rase et plutôt sèche, parsemée de quelques arbres, mais traversée par des routes en bon état. Et au milieu de tout cela, plusieurs grands villes, contrastant avec le paysage. Les quartiers s’étendent loin du centre le long des axes routiers, et le cœur des villes est moderne, propre, dense et souvent éclairé la nuit, même dans les bourgades plus modestes. A Ouaga, on trouve plusieurs supermarchés, dont la visite a suscité chez nous des méditations sans fin sur le développement à l’occidentale.

De même qu’au Ghana, les transports collectifs sont bien organisés : de nombreuses compagnies de bus proposent leurs services à des tarifs raisonnables, et font partir des cars en bon état — et parfois climatisés ! — à heure fixe (par contre l’heure d’arrivée est encore un peu aléatoire).

Mais surtout, au Burkina, il font du jus de mangue ! Comme ça, ça n’a l’air de rien, mais c’est vraiment cool. Si si. D’abord, le jus de mangue, c’est super bon. Cher (500 F FCA la brique de 50 cl), mais vraiment succulent. En plus ils ont plusieurs variantes, dont un mélange « mangue-orange » qui est une vraie réussite. Mais surtout, c’est fabriqué au Burkina, par une entreprise burkinabé. C’est une initiative locale, ça fait travailler les gens du pays, etc. Et rien que pour ça, ils méritent que nous les soutenions (ce qui ne nous a pas demandé de grands efforts :)

Bref, qu’avons-nous retenu du Burkina ? Des gens aimables et accueillants ; beaucoup de villages, mais de grandes villes agréables ; des routes et des transports efficaces ; un pays enclavé et pauvre, mais dynamique économiquement et qui semble vouloir inventer ses propres modèles de développement.

Le Mali

Au Mali, nos lectures nous parlaient des anciens empires Bambara et Peuls, et de la grande fierté et dignité de leurs descendants. Il est vrai que nous y avons rencontré majoritairement des gens très sympathiques. Passé une arnaque au minibus burkinabé, nous avons trouvé les maliens dans l’ensemble très accueillants.

Les villes dans lesquelles nous sommes passées sont superbes, et valent bien le voyage. Djenné, son bac pour traverser le fleuve, sa grande mosquée et ses hautes maisons de terre brune, c’est quelque chose — le vieux Ségou aussi. Mais le passage régulier des touristes a créé une petite industrie de guides et de marchants gentils mais collants. Et, hélas, nous sommes arrivés en pleine saison creuse : nous nous sommes donc ramassé tous les petits fâcheux colle-touristes du coin — et les plus insistants ne sont ni les moins chers, ni les meilleurs. Bilan humain mitigé, donc. Mais on retiendra tout de même ce thé touareg pris sous les étoiles à Djenné, au bord du fleuve…

Le système de transport est comparable à celui du Burkina : bonnes routes, compagnies de bus nombreuses et efficaces. Cela dit, comme d’habitude, il ne faut pas être trop pressé — on s’expose à de grandes frustrations et à une descente accélérée de ses finances. Il y a également une chaîne de télévision d’Etat (?) excellente, qui présente un journal régulier et très bien fait, donnant des informations claires et pertinentes… Oui, dit comme ça c’est normal — mais c’est loin d’être le cas partout en Afrique de l’Ouest.

On sent que l’on est plus proche du Sahel : on croise en majorité des musulmans, des touaregs à la peau claire qui négocient tout seuls des boîtes colorées superbes ; les paysages se font très raz, il y a beaucoup d’éleveurs menant des animaux très hauts sur pattes (Elise s’amuse beaucoup des moutons-lamas), et du lait, sous plein de formes : de la crème sucrée, du degué (sorte de yaourt agrémenté de grains de mil)… Le bonheur pour nous, sevrés de laitages depuis si longtemps !

Bref, qu’avons nous retenu du Mali ? Des villes superbes chargées d’histoire, des gens sympathiques et des guides touristiques collants en saison creuse, un pays sec où paissent les troupeaux d’élevage, des dromadaires, du degué, et une mission catholique qui a manqué de nous laisser à la porte à une heure du matin.

Le Togo

Après tout cela, en revenant au Togo, nous voyons les choses d’un autre œil.

Décidément, l’état des routes togolaises est assez lamentable. Mais plus généralement, c’est vraiment le marasme. Comparée aux pays voisins, l’initiative économique est quasi-inexistante, les gens sont démotivés, les compétences manquent, le système éducatif peine à former les jeunes du pays… On a l’impression que depuis la grande grève du début des années 90, le pays ne s’est jamais vraiment remis en route. Il faut dire que, politiquement, il n’a pas été aidé : les togolais se plaignent d’avoir fait grève pendant 9 mois sans obtenir grand chose de concret, d’avoir payé de leur vie (400 morts) les révoltes après les élections contestables de 2005… On finit par les comprendre — et par voir d’où viennent leur désillusions politiques.

Bref, comparé aux voisins, c’est vrai, le pays ne va pas très bien. La morosité, le marasme, rien ne se passe, rien n’évolue. Après, la situation ne justifie tout de même pas le misérabilisme ambiant (bien différent de ce que nous avons vu au Mali) : il y a un moment où c’est aux togolais de se prendre en main, ne serait-ce que par des initiatives locales.

Cela dit, les gens du Nord du pays sont gentils, après tout — en fait, c’est plutôt en descendant que nous trouvons une ambiance un peu moins serviable. Nous avons retrouvé l’humidité, les paysages verts, les fromages peuls à croûte rouge de Sokodé que même Elise apprécie, et enfin les gens qui nous appellent « yovo-yovo » droit dans les yeux. We’re back home.

Tags: , , , ,



2 Responses to “Voyage autour du Togo”

  1. Catimini Says:

    Pascal me semble très méditatif depuis qu’il a lu cela. Qui semble lui rappeler bien des souvenirs.
    Peut-être pourrai-je profiter de cette humeur songeuse pour lui faire croire que je n’ai pas dîné. En tout cas cela vaut la peine d’essayer. Je vous raconterai. Miaou

  2. Catimini Says:

    ça n’a pas marché ! Mathilde est intervenue avec vigueur… Mais on ne perd rien à essayer, n’est-ce pas ?

Trackback URI | Comments RSS

Leave a Reply

You must be logged in to post a comment.