* Messe

Posted on novembre 24th, 2008 by Pierre. Filed under Non classé.


Vous qui craignez la durée et la longueur, perdez tout espoir : long récit, longs événements, je vais vous parler de la messe de ce dimanche à la cathédrale de Kpalimé.

Je crois avoir déjà évoqué la cathédrale et les bâtiments de l’évêché dans cette colonne. Ce sont sans doute les deux plus beaux bâtiments de la ville — et certainement les mieux entretenus. La cathédrale n’est pas mal, dans son genre — simplement, on s’attendrait un peu plus à la trouver au cœur des alpes bavaroises qu’au Togo. Et pour cause, comme beaucoup de choses ici, elle fut construite par les allemands au début du XXème siècle (et rénovée récemment, d’où son bon état).

Imaginez-vous une construction de style plus ou moins néo-gothique, enduite de blanc rehaussé de rouge sombre, de taille moyenne — quoique imposante par rapport à la hauteur usuelle des habitations environnantes — et vous y serez à peu près. Les bâtiments de l’évêché, attenants, proviennent sans doute de la même époque, ou tout du moins de la même inspiration ; cette grande villa à loggia arbore en tout cas les mêmes teintes blanches et rouges. Je ne désespère pas de pouvoir augmenter cet article d’une ou deux photos (comprendre : lorsque les petits soucis techniques seront résolus et que les auspices de la connexion Internet seront favorables.)

À noter également un toit de petites tuiles plates, rarissimes : toutes les autres toitures de la ville sont en tôle ondulée, de l’habitat le plus modeste aux quelques anciennes maisons de style colonial. Seule certaines maisons, modernes, ont un toit plat en ciment — mais des tuiles, grands dieux, n’y comptez pas !

Mais je m’égare. Hier matin, donc, nous partons à la messe avec Clémentine. Rappel pour les nouveaux venus : Clémentine est catholique, et Martin Luther, devinez quoi, est protestant. Aujourd’hui, nous allons à la messe — et dimanche prochain, si Clémentine ne nous entraîne pas à l’ouverture de la nouvelle année liturgique, nous accompagnerons Martin Luther au culte.

Nous partons tous les trois vers 6 heures de la maison avec Clémentine, arrêtons deux taxi-motos, et nous retrouvons rapidement dans le centre-ville, devant la cathédrale. Celle-ci n’est pas exactement à l’endroit le plus animé de la ville, d’ailleurs : on est à environ 5 minutes à pied du marché, sur une petite hauteur moins dense et un peu plus calme.

(J’en entends qui tiquent sur le « 6 heures » du matin : oui, la messe commence bien vers 6 heures et demi ; mais rappelez-vous, tout le monde se lève tôt ici. Nous avons fini par considérer que, pour avoir un équivalent européen de l’heure d’un événement, nous devions ajouter environ deux heures aux horaires français. Bref, considérons que c’est similaire à la messe de 9 heure du matin en France.)

L’intérieur de la cathédrale est plutôt grand, lumineux et relativement sobre ; les murs sont enduits de blanc, et surmontés d’un toit en forme de coque de navire renversée en bois clair. De vastes verrières s’ouvrent de part et d’autre de la nef, décorées de vitraux modernes : des verres pastels forment des lignes géométriques élégamment brisées ; des représentations de diverses scènes bibliques se surimposent parfois, avec (influence protestante ?) la référence du texte associé indiquée sur le verre. Derrière, dans le fond, une vaste tribune, où prennent place un orgue, ainsi que parfois une chorale, une fanfare, un zoo, une fête foraine, et mille autres réjouissances.

Elise a la ferme intention de revenir photographier l’assistance endimanchée, et je la comprends : la foule de ces habits colorés et recherchés a fière allure, au milieu d’une décoration intérieure plutôt sobre et lumineuse (et relativement peu kitsch par rapport à ce que nous craignions). La lumière est belle, les célébrants portent des chasubles de tissu blanc cassé et chatoyant qui valent bien nos équivalents rêches et blanc… Et avec tout cela, on ne lésine pas sur les ustensiles liturgiques : à côté du chœur, un élégant tabernacle figurant un grand soleil ; pendant la célébration, encensoirs, clochettes, et aspersoirs ; l’évêque (car l’évêque est parmi nous) ne manque pas d’arborer une mitre assortie à sa chasuble et une crosse taillée avec une certaine recherche dans du bois clair.

Mais bref, après la procession d’entrée, la célébration commence enfin. Clémentine nous a annoncé une messe bilingue, en éwé et en français — chouette, nous disions nous. En réalité, seul le mot d’introduction et le sermon sont bilingues ; le reste est intégralement, et longuement (très longuement), en éwé. Bon, au delà de notre incapacité à comprendre ce qui se passe ou se dit, ce bilinguisme nous semble en partie positif : oui, ils sont capable de fédérer plusieurs langues au sein d’une même célébration, même si cela prend un peu plus de temps ; Clémentine évoque même une prochaine introduction de l’anglais, à destination des nombreux (paraît-il) immigrés nigérians.

L’aspect plus mitigé, c’est que le français prend de plus un plus pour nous un côté de latin fin Moyen-Âge, lorsqu’il restait utilisé pour la liturgie, l’enseignement et les documents officiels, mais que la langue vernaculaire locale s’imposait comme seule utilisée dans la vie quotidienne. C’est un peu ce qui semble se passer ici — et c’est très bien comme ça. Cela dit, on s’attendrait du coup à une réflexion sur la place du français dans la vie du pays, et notamment sur la politique d’enseignement en français uniquement — mais non, rien, juste cette dissociation entre un français souvent mal maîtrisé que les gens ne possèdent pas vraiment, et une langue quotidienne mais jamais étudiée ou apprise à l’école. On s’interroge un peu. Oh, et pour couronner le tout, vous ai-je dit qu’au milieu de certains chants on reconnaît parfois, très déformés, quelques syllabes latines ?

Sinon, notre statut de yovo n’a pas l’air de faire trop de vagues, ou en tout cas moins que dans la rue. J’ai quand même l’impression de dépasser d’une bonne tête l’assistance, et doit donc faire une île yovo assez visible au dessus de la foule… On se presse peut-être plus autour de nous que la moyenne pour échanger la paix du Christ, mais c’est à peu près tout. C’est assez agréable, ma foi, de trouver un lieu où nous ne sommes pas le blanc de service…

Question ambiance, la messe est bien animée. Pendant la procession d’entrée, la chorale suit les officiants en chantant un chant, hommes et femmes, accompagné de quelques percussions plutôt discrètes, mais qui soulignent bien le rythme. Et c’est comme ça pendant le reste de la messe : beaucoup de chants, souvent à deux chœurs, mais accompagnés en plus à l’orgue, qui sait se faire présent ou discret suivant les circonstances. Elise trouve que la chorale chante souvent faux, mais je ne l’ai pas trop remarqué, et trouve en revanche les chants assez chouettes. Au deux-tiers de la messe, à notre surprise, entrée en scène de la fanfare, logée dans les tribunes : tambours, percussions diverses et autres trompettes se mettent à accompagner les chants les plus rythmés. Le résultat, il faut le dire, est assez entraînant : ce curieux ensemble aux allures de fanfare municipale trouve finalement assez bien sa place dans l’église.

Maintenant que j’ai décrit en détails tous les détails pittoresques, il me faut aborder une partie bien plus terrible, et pourtant ô combien importante : vous faire comprendre ce que peut être, malgré l’animation, la musique, l’exotisme, les costumes et les ustensiles, les grandes chauves souris qui volettent dans la nef, l’orgue, les moments de danse collective, les trois quêtes, vous faire comprendre, disais-je, ce que peut être de passer trois heures à écouter des discours dont nous ne saisissons pas un traître mot.

La liturgie est similaire à la liturgie catholique française — mais en long, en beaucoup plus long. Deux chants d’entrée, diverses déclarations que nous peinons un peu à identifier, deux lectures, un psaume, un rythmé (et infini) alléluia, un évangile tout aussi infini… tout en éwé. Ensuite, nous avons droit à un sermon en français, qui paraphrase joyeusement mais de manière assez floue l’évangile (lu dans le missel de Clémentine par dessus son épaule) — allez, une vingtaine de minutes pour le sermon. Et ensuite, on le reprend en éwé, avec plus d’enthousiasme encore, quelques effets de manche en sus, et beaucoup d’autres choses auxquelles nous n’entendons rien. On récite deux ou trois fois le Credo (à des moments différents), on passe plein de temps sur la prière eucharistique — sans oublier de chanter beaucoup, mais cela fait plutôt partie des bons moments. Communion, quart d’heure d’annonces (en éwé, vous l’aurez deviné), chant de sortie, re-chant de sortie pour la route… Oh, et aussi, la cathédrale de Kpalimé, ce n’est pas petit-petit — mais le dimanche, tout est rempli, et l’on est plutôt compressé, sur les bancs, pendant ces trois heures.

Nous nous sommes laissé dire que ce jour là la célébration était particulièrement fastueuse, pour faire honneur à l’évêque qui n’est pas là tous les dimanches — j’y consens. En revanche, ce que nous avalons un peu moins bien, c’est que l’on ne nous annonce seulement après qu’il y a une messe entièrement en français (et sans doute plus courte) le soir. Cela dit, je ne regrette vraiment pas d’être allé à la grand-messe une fois : cela mérite le détour. Elise non plus, mais a une appréciation différente du rapport beauté/longueur : tout ce temps de paroles étrangères, pressée sur le banc entre une dame maussade et moi, lui a laissé un souvenir mitigé. Peut-être les messes en allemand de mon adolescence m’ont-elle un peu plus habitué à m’intéresser aux chants et à la liturgie, fut-elle dans une langue (très) étrangère, et à ignorer les longueurs.

À la fin de la messe, Clémentine nous a proposé d’assister à une séance de louanges dans l’après-midi, de 15 heures à 18 heures ; j’ai battu en retraite.

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2 Responses to “Messe”

  1. guillaumebrunetgb Says:

    Il m’est arrivé d’entendre, de loin, des chants religieux dans le petit village malgache de cet été. Sans doute n’y suis-je pas rentré, par crainte de me faire trop remarquer ? En tout cas, ton récit est totalement fidèle à ce que je connais des célébrations africaines. Ton récit respire le vrai ! Venir vous lire représente un moment d’évasion. Continuez !

  2. bentley Says:

    Et moi qui me plaignais de la paroisse Ste Cécile…

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