* Aider l’Afrique, aider le monde ?

Posted on mai 1st, 2009 by Elise. Filed under Non classé.


Vous voulez faire quelque chose pour l’Afrique ?

Parlons-en. Aider ceux qui sont dans le besoin, c’est une noble cause – ou un moyen de soulager sa conscience, mais ça, c’est votre affaire, et je ne veux pas le savoir. Dans tous les cas, pourtant, mieux vaut s’informer de ce qui est réellement utile. Sinon, un beau jour, on se reprend un gros poids de conscience sur la figure, et ça fait un sacré hématome, bigrement disgracieux.

Par exemple, l’aide au développement de la France, qui renfloue (renflouait ? On peut espérer…) régulièrement les poches percées de dictateurs milliardaires (en CFA, ou en euros), et les entreprises ou partis politiques français, c’est un mode d’action contestable. Donc, si vous voulez aider l’Afrique, informez-vous. Sur ce qu’on fait de votre argent, quand vous le donnez individuellement – c’est un réflexe que nous avons tous – mais aussi quand notre pays le donne, et là, il y a du travail, à la fois de curiosité pour chacun d’entre nous, et d’investigation pour ceux qui s’y attelleront. Sinon, l’aide internationale détournée, ça ne sert à rien. D’autre part, il y a sous ces rochers de nombreuses anguilles qui, à ce qu’on dit, ne font pas beaucoup de bien aux normes éthiques dans les hautes sphères de nos propres pays. A bas les anguilles, donc.

Une parade à ces détournements peut-être la fameuse aide directe. Si vous êtes disposés à partir et à investir plusieurs mois de votre vie dans un projet, c’est sûrement l’idéal. Les compétences manquent souvent, ici, et les bons réflexes. Une collaboration efficace peut aider à passer beaucoup d’obstacles, sur le moment, et dans le futur, si l’on prend le temps de transmettre aux gens de bonne volonté les connaissances et savoirs-faire qui leur manquent. Mais vous me direz que tout le monde ne peut pas venir travailler lui-même – ou ne veut pas, en tout cas. Heureusement, on peut aider autrement. Avec de l’argent, on fait beaucoup aussi. De nombreux projets, surtout dans certains pays particulièrement dynamiques, sont souvent bloqués par des arguties ou le manque de fonds minimes – comme l’implantation de panneaux solaires au Burkina, dont nous avons entendu parler au petit déjeuner, à la mission catholique de Ouagadougou. Eh oui, on y trouve ces temps-ci un retraité altermondialiste catho, venu voir de ses propres yeux tous ces projets de développement alternatif dont on parle tant, et se faire une vraie idée, à lui. Il est un peu râleur au début, mais très gentil ensuite. Quant aux panneaux solaires, nous en avons vus, le système fonctionne bien, semble donner des résultats probants, mais se heurte toujours à des obstacles mesquins et permanents. De façon générale, il y a beaucoup à faire pour encourager l’initiative réfléchie, qui n’est pas si courante, les projets équitables, par opposition aux gros dossiers ressassant d’infinis mots et maux à la mode (« sensibilisation », « développement intégré », etc). Et, à mon avis, encourager aussi ceux qui ne mendient pas – par exemple, pourquoi ne pas favoriser le prêt ? Les chaînes de solidarité ? Mais tout cela, ça demande une connaissance du terrain, des projets, de ce en quoi on peut avoir confiance ou non, c’est compliqué. Oui, dans la jungle des malhonnêtetés et du gâchis, aider, c’est compliqué. C’est pourquoi beaucoup d’entre nous choisissent de donner à des association françaises, auxquelles nous déléguons, en somme, le rôle de vérification.

Pourtant, surtout, surtout, si nous voulons faire quelque chose pour l’Afrique, je crois que nous devrions commencer par lui accorder la justice qui est due à tous, et qui ferait sans doute beaucoup plus de bien à terme que des décennies de charité. Le soutien aux dictateurs, exit. Les règles du commerce international, vous y avez déjà jeté un oeil ? L’aide (le mot est faible) au détournement pervers des subventions internationales : ce n’est pas seulement inutile, c’est néfaste, et même funeste pour le développement d’un Etat moderne aux structures saines. On pourrait presque parler, pour nous comme pour eux, d’un devoir citoyen. Au lieu de hausser les yeux au ciel à chaque gros scandale, à chaque coup d’Etat africain, de parler de leur « irrationalité », ou de je ne sais quoi, ou simplement d’ignorer l’information, nous devrions peut-être nous assurer que nos pays n’ont rien à voir là-dedans, et que l’ »irrationalité » africaine n’est pas en grande partie le destin d’un continent soumis, par faiblesse matérielle (et/ou par absence de fort sursaut intérieur) aux caprices de l’Europe, et des grands intérêts qui sévissent le long de ce canal. Nous avons la chance de vivre dans des pays où notre voix, si elle est suffisamment forte et collective, compte. Sans doute est-ce à nous qu’il incombe d’exiger la justice, non seulement à l’intérieur, mais aussi envers les autres régions du globe.

Cela dit, c’est peut-être poser la question de façon trop simple. Il y a, là derrière, toute l’histoire des relations entre l’Occident et les autres, du rapport de force sous-jacent entre les civilisations, qui est toujours le soubassement de nos rapports mondiaux. L’injustice est aussi là. Nous sommes – fûmes ? – plus forts, militairement, brutalement, assez pour soumettre les peuples. Nous sommes plus puissants, matériellement, confortablement, et trop enviables d’ailleurs pour être ignorés. Ce qui s’impose par ces violences, directes et cachées, c’est l’intégration obligatoire, aujourd’hui encore, au système occidental du monde : économique, politique, culturel aussi… Ratée, éventuellement, mais obligatoire. Ce qui fait que pour les pays pauvres, la voie forcée, c’est le développement ; entendre : le nôtre. Que dans leurs têtes comme dans nos mots, il s’agit seulement de permettre à de mauvais élèves de la civilisation une sorte de rattrapage. Mais nous tenons toujours les rênes. Et il ne peut pas en être autrement tant que nous sommes le modèle, le dispensateur de charité et décideur de tout. D’ailleurs, pour l’instant, tout cela fonctionne plutôt mal. Mais si un jour le développement « se produit », enfin – est-ce que ce ne sera pas pire ? Je n’en sais rien, franchement. Mais je pense que nous devrions poser la question. Ce n’est pas à nous d’inventer la voie des autres, mais nous pouvons au moins cesser de voiler la potentialité de voies multiples. (Et ils pourraient quant à eux secouer le joug avec un peu de dignité, oui, je sais… Mais leur inertie ne nous dispense pas de réformer nos travers.) Nous pouvons inciter à réfléchir ceux qui sont les seuls à pouvoir décider de leur propre destin, pour leurs propres pays, parmi lesquels les voix de consciences profondes se font rares, et presque jamais écoutés (encore moins compris) les quelques vrais appels à « une autre forme de développement ».

En somme, ce que j’essaye de dire, c’est que pour aider des pays « en voie de développement », « pauvres », ou je ne sais comment les appeler, l’argent, c’est bien si on vérifie, mais la conscience, l’information, la responsabilité, c’est mieux, plus important. Plus difficile et exigeant aussi. Quelques euros prélevés chaque mois sur votre compte en banque (ou sur le mien), c’est (relativement) indolore. Mais combien de bulletins d’information ai-je jeté sans les lire ? Combien de pages de journaux ai-je tourné sans intérêt pour les déboires d’ailleurs ? Ou, encore aujourd’hui, écouté les nouvelles sur France 24, d’un air blasé, avec une éventuelle remarque, finaude mais sans efficacité, sur le possible rôle de la France. L’air entendu, ça fait paraître informé, initié, malin, mais ça ne sert à rien.

Et vous ?

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