* Acheter des pagnes.

Posted on janvier 13th, 2009 by Elise. Filed under Non classé.


Un samedi comme un autre, Elise se rendait au marché. Chevelure domptée par le pouvoir des nattes, elle a renoncé à son vélo, au profit de la longue jupe africaine qui lui donne l’air très élégante.

Ce matin-là, Elise cherchait des fruits, du chocolat de France comme on n’en trouve que chez l’Indien, et des pagnes. Tout le monde – mais particulièrement ceux qui y ont un intérêt commercial – complimente Elise sur ses pagnes. Et de fait, elle prend le temps de les chercher, et ne s’arrête jamais au premier modèle venu. Elle aime bien regarder tous les étalages de pagnes – mais elle ne s’attarde jamais trop devant les pyramides des femmes qui vendent sans étendre leurs modèles, et seraient très blessées que vous examiniez de près leurs articles, que vous les fassiez déplier sans les acheter. Il lui arrive parfois encore de se heurter à de problématiques incompréhension – Elise ne s’est toujours pas faite à l’idée que les pagnes n’étaient pas du tissu.
Comprenez : le pagne est à la fois la désignation ordinaire et l’unité de mesure du tissu africain imprimé de motifs souvent très colorés, en toile plutôt synthétique et qui déteint beaucoup ; on l’oppose au batik, plus cher, plus luxueux, parfois artistique, et au tissu, de composition diverse et qui se vend au mètre. On dit : « regardez ce pagne – non, je préfère cet autre », mais aussi, une fois que vous avez choisi : « il vous en faut combien de pagnes ? ». Ou encore, selon les termes de la couturière il y a quelques jours : « Il est joli ce pagne. Toi, tu as toujours de jolis pagnes. D’ailleurs, l’autre aussi, le bleu, il était joli-joli – il y en avait combien de pagnes, déjà ? » Eh oui, combien de pagnes lui ai-je fourni de ce joli pagne bleu ? (Deux, en l’occurrence, pour faire un ensemble.)

Donc, à la question « vous vendez du tissu ? », la réponse sera non si l’on ne vend que des pagnes, et oui dans le cas contraire. Heureusement, Elise ne s’arrête pas à ces malentendus. Elle est tenace, et presque teigneuse. D’ailleurs, elle insiste beaucoup aussi sur le choix des modèles qu’elle se fait confectionner – depuis son arrivée à Kpalimé, Elise est devenue beaucoup plus coquette, et il lui est arrivé de faire retoucher jusqu’à six fois le même vêtement… à sa décharge, il a fallu tout ça pour obtenir qu’on cesse de lui corseter la poitrine au point de gêner la respiration.

***

Quelques avis aux acheteurs potentiels, donc : refusez les conseils des vendeuses (c’est toujours « joli »), et autant que possible les propositions de vous décrocher des modèles – on ne les voit pas mieux, et l’on se trouve vite embobiné ; ensuite, face à la vendeuse de douze ans, qui négocie en demandant si on n’a pas un bonbon pour elle, recouverte de pagnes jusqu’aux oreilles et pouvant à peine encore tenir le baton qui sert à les décrocher, on se sent coupable de ne pas acheter ; idem vis-à-vis du modèle adulte à l’air perpétuellement fatigué.

Un pagne ordinaire coûte 1 300 F CFA ; on peut monter jusqu’à 2 000 pour un pagne de fête, avec beaucoup de fils dorés et si l’on ne négocie pas trop ; plus serait du vol. Si quelqu’un vous dit que les vêtements traditionnels reviennent cher, c’est faux.

Pour vous laisser le temps du choix, et de l’observation, n’ayez pas peur de paraître étrange – de toute façon vous êtes un yovo – il semble que les africaines choisissent leurs pagnes un peu au hasard et sans y regarder de près… mieux vaut aller au début dans les boutiques qui se trouvent entre l’Indien et la BTCI, où l’on a l’habitude de voir parfois des touristes ou des volontaires ; d’ailleurs, ce sont eux qui ont une bonne partie des beaux tissus – pardon, des beaux pagnes. Ensuite, on s’aventurera plus avant dans le marché, pour dénicher les modèles venus d’autres villes, et parfois surprenants.

Enfin, prenez un pagne pour un vêtement, deux pagnes pour un ensemble, trois pagnes pour un ensemble à l’africaine : haut+bas+pagne surnuméraire. Ou métissez la tenue si vous voulez. Pour le bas, si vous ne voulez pas le faire coudre tout de suite, un pagne s’enroule aussi autour des hanches pour servir de jupe.

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4 Responses to “Acheter des pagnes.”

  1. murmi Says:

    Et une fois que tu as transformé tes trois pagnes de pagne en un ensemble, à quoi ressemble le résultat? Pas à une jupe, si j’ai bien compris, puisque la jupe est l’étape pré-couture? Et le pagne surnuméraire, il sert d’étole? de ceinture?

    Le choix est-il aussi délicat que celui d’une paire de lunettes? (j’ai beaucoup de mal à me faire à ma nouvelle monture…)

  2. Elise Says:

    Le pagne surnuméraire sert à tout, mais traîne généralement autour des hanches. Si le besoin s’en fait sentir, il devient porte-monnaie, sac, porte-bébé, ou autre.

    Quand à l’ensemble, si si, c’est uen jupe longue. Elle est beaucoup plus belle qu’un simple pagne enroué en jupe-sac-tube-assez moche. Si on ne fait pas coudre la jupe, c’est beaucoup moins élégant, voire un peu négligé : ça va pour la maison ou pour vendre au marché, ou bien encore si on est très jeune ou très vieille… Les filles jeunes se font aussi faire des « culottes » (sorte de pantacourts à élastiques) assez pratique ; je suis un peu au-dessus de l’âge, mais j’en porte parce que c’est vraiment plus facile pour faire du véloi. Enfin, il y a les jupes courtes, qui servent surtout pour les uniformes scolaires, mais envisageable pour les jeunes filles. Quant aux pantalons, j’en ai vu seulement sur les volontaires européennes, et de toute façon j’ai cessé de porter même les miens parce que mes vélos successifs les déchirent avec zèle !

    Et tes lunettes, à quoi ressemblent-elles ?

  3. marianne Says:

    peut-on voir une photo de la yovo en pagne ?

  4. Elise Says:

    Bientôt, peut-être… mais il faut déposer chaque jour des offrandes aux dieux de la technique et de la connexion.

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